+41 (0)76 331 42 26 info@artisticamente.ch

Il RITORNO D’ULISSE IN PATRIA

Concert Vendredi 20 Octobre 2023 – 19h30

Bâtiment des Forces Motrices – Genève

 

Premier opéra de Monteverdi dans sa période vénitienne, le Retour d’Ulysse en sa patrie connaît un énorme succès à sa création. L’ouvrage s’inscrit dans une évolution qui fait passer l’opéra des cercles aristocratiques aux scènes des théâtres publics. En 1607, Monteverdi donnait son Orfeo à la cour du Duc de Gonzague à Mantoue.

Trente ans plus tard, en 1637, avec l’ouverture à Venise du premier théâtre public payant, le San Cassiano, le genre lyrique va connaître un essor qu’illustre parfaitement le Retour d’Ulysse. S’éloignant de l’esthétique élitiste des académies, il lui faudra désormais trouver les moyens de séduire un public qui a payé sa place. Toute la science musicale de Monteverdi va donc être mise au service du spectaculaire et du drame – une épopée homérique revisitée par la commedia dell’arte -.

Le Retour d’Ulysse oscille en effet entre les larmes de Pénélope et le rire d’Ulysse, entre sublime et grotesque, dans une partition qui sublime le pouvoir de l’amour et ses métamorphoses.

Distribution
Emiliano Gonzalez Toro | Ulisse
Fleur Barron | Penelope
Mayan Goldenfeld | Minerva/Fortuna
Zachary Wilder | Telemaco
Nicholas Scott | Eumete
Fulvio Bettini | Iro
Mathilde Etienne | Melanto
Álvaro Zambrano | Eurimaco
Nicolas Brooymans | Antinoo/Tempo
Juan Sancho | Giove/Anfinomo
Anders Dahlin | Pisandro
Alix Le Saux | Ericlea
Christian Immler | Nettuno
Lisa Menu | Giunone/Amore
David Hansen | Fragilità Humana

Ensemble i Gemelli

Direction musicale | Emiliano Gonzalez Toro
Mise en espace | Mathilde Etienne
Orgue et clavecin | Violaine Cochard
Harpe triple | Marie-Domitille Murez                                                            Archilüth | Vincent Flückiger
Théorbe/guitare | Nacho Laguna
Violes | Louise Bouedo & Louise Pierrard                                                         Basse de violon | Gauthier Broutin
Violons | Stéphanie Paulet & Margherita Pupulin
Flûtes/cornets |Rodrigo Calveyra & Josue Meléndez
Doulciane/flûtes | Mélanie Flahaut                                                          Sacqueboutes | Miguel Tantos Sevillano & Fabio de Cataldo

L’HISTOIRE

Après 10 ans passés à la guerre de Troie aux côtés d’Achille, Agamemnon et de l’armée des Grecs, le roi Ulysse souhaite retourner dans son royaume, l’île d’Ithaque. Mais la colère de Neptune, le dieu des mers, le pousse à errer d’aventure en aventure pendant 10 autres années ; seul l’appui de la déesse Minerve lui permettra de pouvoir enfin rentrer chez lui. Pendant ce temps, sa femme, la reine Pénélope, l’attend fidèlement, sous la pression de prétendants qui veulent s’emparer du pouvoir en l’épousant. Repoussant inlassablement leurs avances, la reine, tout en se lamentant de l’absence de son époux, refuse de croire à sa disparition. Entourée seulement de son fils Télémaque, de la nourrice Euryclée et du berger Eumée, Pénélope est très isolée au milieu d’une cour décadente et sa position est très fragile. L’opéra commence au moment où Ulysse parvient incognito sur le rivage de son île natale. Beaucoup de péripéties adviendront avant qu’il ne triomphe des prétendants, grâce à l’aide magique de Minerve, et qu’il ne soit enfin reconnu par sa famille, ses amis et ses ennemis. L’œuvre s’achève par les retrouvailles bouleversantes d’Ulysse et de Pénélope.

LE CONTEXTE

Le retour d’Ulysse a été composé en 1640 pour un théâtre vénitien, le San Cassiano (aujourd’hui détruit). Venise a été la première ville à construire des salles dédiées à cet art et à les ouvrir de façon commerciale, en vendant des billets pour les représentations. Le public était friand de grand spectacle et de livrets mettant en scène des histoires fabuleuses. Ce genre d’œuvres commençant à être à la mode, il fallait, pour concurrencer les nombreuses autres productions, attirer le public avec des effets spectaculaires, comme des changements de décor à vue et des « effets spéciaux » de théâtre (machines, trappes…). Le livret reprend une trame mythologique, comme c’était l’usage à l’époque, mais la tragédie est mêlée ici à la comédie avec de nombreuses scènes comiques (le trio des prétendants, le bouffon Iro…) ainsi que le drame, culminant dans la grande scène où, dans l’affolement général, Ulysse extermine les prétendants dans un terrible bain de sang.

LA MUSIQUE

Seules deux copies de l’opéra nous sont parvenues, sous forme de manuscrits incomplets. Le livret a été imprimé à l’époque et présente des différences notoires avec les partitions. La gageure pour les interprètes est de reconstituer une version à partir de ces copies, en comblant les parties manquantes. Monteverdi compose une musique « sur-mesure » pour illustrer le caractère et les émotions de ses personnages : le lamento noble pour Pénélope, la colère héroïque pour Ulysse, la douceur pastorale pour le berger Eumée, le duo plein de sensualité pour les amants Eurymaque et Mélantho, le rire du bouffon Iros ainsi qu’un véritable feu d’artifice vocal, symbole de toute-puissance magique, pour la déesse Minerve. L’orchestration n’est pas précisée dans la partition, comme c’était la coutume à l’époque. On est en présence d’un canevas, que les instrumentistes savaient à la manière des partitions de jazz aujourd’hui. On sait cependant que les théâtres vénitiens consacraient couramment aux représentations un effectif de petite taille pour des raisons de rentabilité. Cet effectif était constitué d’un continuo, c’est-à-dire un groupe d’instrumentistes accompagnant les récits, composé du clavecin, du théorbe (sorte de luth à grand manche), de la viole, du violoncelle, de la harpe… ainsi que d’instruments mélodiques comme les violons et les flûtes. La partition mentionne également une trompette marine (tromba marina), qui est, contrairement à ce que son nom indique, une sorte de contrebasse à corde unique, employée par les marins de l’époque. Une copie de cet instrument a été construite spécialement pour nos concerts.

LE LIVRET

C’est Giacomo Badoaro (1602-1654), sénateur de la République de Venise et poète amateur, qui rédige le livret du Retour d’Ulysse. Les onze derniers Chants de l’Odyssée d’Homère, intitulés « La Vengeance d’Ulysse », fournissent la matière de trois actes qui restent fidèles au récit original. L’action de l’opéra est très riche tout en restant parfaitement équilibrée et limpide. Badoaro multiplie les épisodes et met en scène de nombreux personnages dans des lieux différents sans jamais perdre de vue l’efficacité dramatique. Des arias et des récitatifs variés d’une grande originalité permettent aux chanteurs de montrer leurs talents. Mais nous sommes encore très loin de l’esthétique de l’opéra baroque qui se développera quelques temps plus tard, conduisant des chanteurs virtuoses à revendiquer la première place au détriment du drame. L’emploi de personnages secondaires, souvent comiques, permet de faire succéder des airs rythmés et plus simples à ces moments de grande tension émotionnelle. Sorte de bouffon à l’appétit insatiable, Iros répond au goût du public populaire pour les scènes comiques et réalistes, inaugurant une longue tradition de personnages ridicules dans l’opéra vénitien.

ENSEMBLE I GEMELLI

En 2018, Emiliano Gonzalez Toro et Mathilde Etienne fondent l’ensemble I Gemelli, formation spécialisée dans la musique vocale du XVIIe siècle. L’ensemble a pour vocation de défendre les pièces majeures de cette époque comme des partitions moins connues voire inédites. I Gemelli se caractérise par une direction musicale spécifique : les dynamiques partent du chant, du plateau vocal, le continuo et l’orchestre étant considérés comme une expansion du chant. À l’inverse d’une direction venant de la fosse, l’ensemble obéit aux inflexions d’un chef-chanteur dans une recherche déclamatoire, suivant la rhétorique du texte.

Historiquement informé, l’ensemble i Gemelli joue sur instruments anciens, collaborant étroitement avec des universitaires et des musicologues pour l’élaboration de chaque programme. Les artistes invités sont issus de la nouvelle génération de chanteurs et musiciens, ou sont des talents incontournables de la scène internationale. Les trois premiers disques de l’ensemble ont reçu les plus hautes distinctions : Diapason d’or de l’année, CHOC de Classica, FFFF de Télérama, Diamant d’Opéra magazine, OperaNews Critic’s choice, Album de la semaine pour le Figaro, le Sunday Times etc. En 2022 est lancé le label Gemelli Factory, sous lequel sortent les albums A room of mirrors et Violeta y el Jazz. L’ensemble i Gemelli est soutenu par Mme Aline Foriel-Destezet pour la saison 2023-2024, la Fondation Orange, le CNM, la SPEDIDAM et l’Adami.